Vélocipédie touristique en Ariège (jour 2/2)

Je crois savoir pourquoi il n’y a que 41 habitants à l’année à Villeneuve-en-Couserans. Le village est aussi calme que le désert de Gobi… à un petit détail près : le clocher de son église, juste là sous ma fenêtre. En Alsace, j’habitais aussi en face d’une chapelle, mais les cloches ne sonnaient que le dimanche matin pour inviter les paroissiens à se rendre à la messe, et accessoirement pour marquer un événement particulier. Ici, au village, elles sonnent H24, qui dis-je, deux fois par heure. Autant dire que je n’ai pas eu la nuit de sommeil réparateur que j’escomptais.
A mon arrivée, après l’indispensable douche pour ressembler à un être humain, nous sommes passés à l’apéro puis, après le délicieux diner préparé par Sylvie, nous avons joué à la belote jusqu’à près de minuit, voire plus tard. On pourrait donc logiquement penser que j’allais immédiatement tomber dans les bras de Morphée dès la position horizontale retrouvée. Que nenni ! J’ai mis un temps fou à m’endormir, mes pieds n’aimant pas être enfermés dans le sac à viande, encore moins dans un sac de couchage. Puis, un coup de carillon toutes les demi-heures, suivi de deux coups toutes les heures et une envolée royale à 7 heures tapantes, autant dire que je n’ai pas eu besoin de réveil pour ouvrir les yeux et je n’ai pas dû somnoler bien plus que deux ou trois heures, par petites tranches de 15 minutes. Eh oui, quand je me réveille en sursaut, il faut du temps à mon petit cœur sensible pour retrouver son rythme normal, propice au sommeil.

Sinon, rien à redire : pas le moindre petit bruit n’est venu troubler ces épisodes de sommeil/réveil. Thierry s’est levé à 7 heures pour me préparer une tasse de thé et des tartines : si c’est pas mignon, ça ! J’ai pris congé de mes hôtes vers 8h30 pour me remettre en route en empruntant un itinéraire spécialement concocté par Thierry qui évidemment, connait la région comme le fond de sa poche et franchement, après coup, je peux dire qu’il valait le détour.

La première partie est vraiment facile. Je quitte temporairement la D618 à Audressein et je traverse une première fois la Bouigane, cette magnifique petite rivière de montagne qui prend sa source dans les Pyrénées au Pic de la Calabasse et va se jeter dans le Lez, 24 kilomètres plus bas. Elle va me servir de main courante un petit moment encore et je la traverse encore à Engomer où je retrouve la D618, puis plusieurs fois à Saint-Girons en laissant derrière moi Arguilla, Luzenac et Moulis.
En passant par la ville, je trouve une boulangerie et j’en profite pour compléter mon petit-déjeuner, juste au cas où… Non pas que j’ai encore faim en quittant la table chez Sylvie et Thierry mais parce que je suis un incorrigible gourmand.

Après Saint-Girons, finie la longue descente et changement radical de décor puisque Thierry m’a fait chercher la voie verte, un magnifique chemin de plus de près de 14 kilomètres qui remonte doucement à plus de 500 d’altitude avec des pentes entre 2 et 4% et un très court passage à 6%. J’y croise quelques rares randonneurs et cyclistes mais je ne traverse pas le moindre village : juste quelques habitations disséminées en pleine nature. La plupart du temps, je suis protégé du soleil par les arbres et je n’ai pas encore trop chaud, mais la voie verte se termine par deux passages consécutifs dans un tunnel sous la montagne et je suis véritablement surpris par le changement brutal de température. Pour un peu, je me serais presque arrêté pour enfiler un coupe-vent car le premier tunnel est tellement long que j’en perçois à peine la sortie à l’autre bout. Quelle étrange sensation que de se retrouver soudainement dans un lieu humide, frais et obscur, malgré l’allumage automatique des éclairages qui jalonnent cet étroit couloir ! Je dois toutefois allumer mon phare avant de 1100 lumens pour y voir suffisamment clair.

Les choses sérieuses commencent peu après le kilomètre 35, à la hauteur de Castelnau-Durban, avec la montée de la Côte de Montseron et un petit 10% qui pique bien. Puis je redescend en direction de la D15 mais dans les lacets qui suivent le lieu-dit Lescalé, je manque d’aller au tapis en prenant de l’angle et je m’aperçois que mon pneu avant est presque à plat. J’ai sans doute une crevaison lente ou j’ai perdu beaucoup d’air avant que le liquide préventif n’ait rempli son rôle en obstruant l’endroit où j’ai percé. En tous cas, je ne vois aucune trace blanche sur mon pneu, ce qui est d’autant plus surprenant car il est totalement neuf. Je m’arrête immédiatement pour voir ce qui se passe et regonfler mais le bord de la route ne prête pas vraiment à une réparation dans les règles de l’art et malheureusement, la tige de l’obus de la valve tubeless casse et se coince dans l’orifice de ma pompe. Il m’est impossible de l’en extraire car je n’ai pas l’outillage adéquat pour l’en extraire, alors que j’ai plusieurs valves de rechange et même une chambre à air à ma disposition. Mais comment regonfler un pneu sans pompe ? Je décide de descendre prudemment pour rejoindre un endroit plus adapté pour dévisser l’axe traversant et dégager la roue de la fourche. Curieusement, elle ne semble plus perdre de l’air et j’ai juste suffisamment de place pour insérer la valve dans la pompe. Il me faut dix fois plus d’énergie pour regonfler suffisamment mon pneu à une pression acceptable car beaucoup d’air s’échappe par les cotés mais, à ma grande surprise j’y parviens au bout de cinq bonnes minutes et ça a l’air de tenir, à condition de ne pas appuer sur ce qu’il reste de l’obus.

La pente est plus douce jusqu’au Saret et ça remonte même légèrement jusqu’au Mas d’Azil où je décide de faire une halte pour me restaurer et réfléchir calmement à la situation. Thierry m’avait dit qu’il y a un snack juste avant l’entrée de la grotte et je n’ai aucune difficulté à le trouver. Après avoir fait le plein de mes deux bidons dans les toilettes publiques, je m’installe à une table à l’ombre et je commande une bière, un coca et un burger-frites. Aussi loin que remontent mes souvenirs, je n’en ai jamais mangé d’aussi bon. Je prends donc tout mon temps pour le savourer tout en profitant de la vue sur ce splendide site. La grotte du Mas d’Azil, avec son porche de 70 m de haut, est une véritable curiosité géologique. Elle est classée monument historique depuis 1942 et sa renommée archéologique en fait l’un des sites majeurs de la préhistoire car elle a été habitée de tout temps, notamment par nos ancêtres, les hommes de Cro-Magnon. On y a aussi découvert des ossements d’animaux aujourd’hui disparus comme le mammouth laineux ou encore l’ours des cavernes.

J’ai hésité à faire une petite sieste à l’ombre pour prolonger cet instant de pur bonheur car après tout, personne ne m’attend à la maison et s’il le fallait, je pourrais même rentrer de nuit puisque je dispose de l’éclairage nécessaire pour voir et être vu. Finalement, j’y renonce et je décide de reprendre la route, plus inquiet pour mon pneu que pour l’heure d’arrivée. J’ai à peine effectué un tiers du parcours total à ce stade et d’après Thierry, il me reste encore pas mal de belles choses à découvrir sur les deux tiers restants.

Il est un peu plus de 14h00 et il fait 37° lorsque, à la sortie de Sabarat, je m’attaque à la délicate montée vers le sommet situé entre les lieux-dits Roquebel et Lacabane avec de longs passages à plus de 9%. Il fait tellement chaud en plein soleil que j’ai le sentiment d’étouffer : je suis obligé de poser pied à terre pour reprendre mon souffle et je bénis Thierry de m’avoir proposé de redescendre une bonne partie de mes affaires en voiture. Ne gardant que l’indispensable (et tout de même une poche à eau de 2 litres pour le cas où je ne trouverais pas d’eau, mais elle ne m’a finalement été d’aucune utilité, à l’aller comme au retour) je pèse tout de même quelques kilos de moins mais ça n’a donc pas suffi.

Six kilomètres plus loin, je rejoins Carla-Bayle, un pittoresque petit village qui doit son nom à un certain Pierre Bayle, l’un des plus grands penseurs du 17ème siècle, qui y est né. Le village est aujourd’hui considéré comme une incontournable cité d’art et effectivement, les galeries ne manquent pas. Je m’y suis arrêté quelques instants pour déguster une grande bière sur une terrasse au pied de la magnifique église du 12ème siècle. Il parait même qu’un célèbre homme politique de gauche y avait, et y a peut-être toujours, une résidence secondaire, ce qui semble avoir fortement contribué à l’émancipation et à la popularité des lieux, en tous cas je ne l’ai pas croisé.

Le temps de l’arrêt, j’ai à nouveau perdu de la pression dans le pneu avant. Je trouve un endroit propice pour regonfler tant que je peux mais à partir d’un certain niveau, cela ne sert à rien et je commence à m’inquiéter pour la suite car je n’en suis qu’à la mi-parcours. J’hésite à passer en chambre mais j’ai peur de ne pas parvenir à la gonfler suffisamment avec ce morceau d’obus coincé dans l’embout de ma pompe donc je repars en croisant les doigts. La bonne nouvelle, c’est que j’ai passé le plus dur puisqu’à partir de là, à l’exception d’une petite bosse à Massabrac, c’est une douce descente presque jusqu’à la maison.

Je laisse Saint-Ybars sur ma droite puis Lézat-sur-Lèze sur ma gauche. En d’autres circonstances, j’aurais certainement pleinement apprécié cette longue traversée de toutes ces villes dont le nom se termine par « sur-Lèze » mais le problème, c’est qu’elles sont toutes en rase campagne et qu’il n’y a pas le moindre petit coin d’ombre sur des kilomètres. J’ai beau boire une gorgée d’eau tous les trois kilomètres, j’ai toujours soif et l’air chaud assèche presque immédiatement ma bouche. Entre les agglomérations, il y a relativement peu de choses à voir donc je m’enferme mentalement dans ma bulle et je pédale avec des pensées positives.

Après Saint-Sulpice-sur-Lèze, je m’arrête un instant à Beaumont-sur-Lèze où je prends un petit ravitaillement afin de retrouver un peu d’énergie. Je me déchausse le temps d’engloutir une compote, une barre de céréales et une pomme, histoire de soulager un peu la voute plantaire qui commence à me faire souffrir. Je vide aussi mon dernier bidon mais je ne trouve pas de cimetière pour refaire le plein d’eau avant Lagardelle-sur-Lèze. Je suis même obligé de quitter ma trace pour le trouver et son entrée est bien cachée. Le hasard fait parfois bien les choses : après un premier passage au cours duquel je croise un cycliste en le saluant, je le retrouve un peu plus tard, toujours à la recherche de l’entrée du cimetière. Me croyant perdu, il vient à ma rencontre et m’explique où elle se trouve mais finalement, habitant à quelques dizaines de mètres de là, il me propose plutôt de l’eau fraîche et ajoute une dosette de poudre magique dans chaque bidon. « Avec ça, vous allez être à Toulouse dans moins de deux heures », me dit-il en rigolant. J’ai envie de le croire et il n’était finalement pas si loin que ça de la vérité. En attendant, je me permets de lui demander si accessoirement, il pouvait me prêter sa pompe pour regonfler correctement mes deux pneus et le voici à courir pour me chercher une pompe à pied et se fait même un devoir de me remettre lui-même 3 bars de pression dans chacun, tout en me racontant un peu sa vie de cycliste et ses récents exploits. C’est aussi ça, les balades à vélo : parfois on a le bonheur de rencontrer de belles personnes en chemin et même si j’imagine qu’il ne lira jamais ces lignes, je remercie de tout cœur ce chauffeur de bus qui travaille chez Tisséo pour sa gentillesse et son précieux coup de pouce.

Comme il l’avait prédit, Labarthe-sur-Lèze, Pins-Justaret, Pinsaguel et Portet-sur-Garonne sont atteints en moins de temps qu’il ne faut pour le dire (…ou à peine plus un peu plus longtemps, pour être tout à fait honnête). Marie aurait certainement dit que ça sent l’écurie, une façon imagée de signifier que je me rapproche du but. Il faut encore passer les bords de Garonne jusqu’à l’Ile du Ramier et mes fesses apprécient moyennement de retrouver une portion de gravel en fin de parcours car à certains endroits, le sol caillouteux et jonché de racines secoue un peu, mais ça passe.
Je déteste la ville mais pour éviter les coteaux, difficile de ne pas passer au cœur de Toulouse, par la place du Capitole. Malgré l’heure avancée, les rues sont noires de monde et je fais très attention en gardant deux doigts sur chaque manette de frein car les gens traversent absolument n’importe où sans même tourner la tête ou quitter leur téléphone portable des yeux. Pas mal de rues sont en travaux mais à vélo, ça passe presque partout, pas toujours dans le plus pur respect du code de la route, il est vrai.

J’emprunte la route d’Albi à partir de la gare Matabiau jusqu’à Croix Daurade, puis l’Union et je quitte la trace de Thierry pour repiquer vers le Lac de St-Caprais et je me voilà enfin à la maison. Durant les deux dernières heures, la température est retombée un peu et l’air est à nouveau respirable. Après m’être désaltéré, je reste un long moment sous la douche froide pour faire baisser ma température corporelle puis je me fais un bon plat de pâtes bien relevé, presque prêt à repartir. C’étaient quand même deux sacrées belles journées et je remercie encore Sylvie, Thierry et Bastien pour leur hospitalité, ce bon moment de partage et le suivi tout au long du parcours, sans oublier cette magnifique trace de retour sans laquelle j’aurais probablement fait plus ou moins le même itinéraire qu’à l’aller.

Vues : 25

Trace et profil

Download file: VDG_20230818_2000.gpx

Relevés GPS

Départ
18/08/2023 08:34:40
Durée de déplacement
07:24:38
Durée totale
11:25:07
Arrivée
18/08/2023 19:59:47
Distance
134.45 kms
Dénivelé positif
823 m
Vitesse moyenne
18.1 kms/h
Vitesse maximale
54.6 kms/h
Altitude minimale
142 m
Altitude maximale
598 m
Puissance
116 W
Dépense énergétique
3086 kJ

Conditions

Météo
Nuages
Température
19 °
Humidité
60 %
Vent
4.6 kms/h
Direction du vent
S

Autres participants

Aucun

Vélo utilisé

Revivre cette sortie

2 commentaires

  • Ravi de t’avoir reçu à Villeneuve et de t’avoir permis de découvrir de jolis coins !

    • J’avais déjà apprécié l’aller et ses très nombreux segments de gravel mais le retour par magnifique la voie verte, l’incroyable site du Mas d’Azil qui, à lui seul, mérite le déplacement et enfin la très jolie cité d’art de Carla-Bayle vont me laisser un souvenir inoubliable.
      Sans oublier Villeneuve, évidemment où j’ai été si chaleureusement accueilli par mes hôtes. La prochaine fois, je n’oublierai pas de prendre des boules Quies.
      Merci encore pour tout, mes amis.

Laissez votre commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.